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N° 35 Les Français massivement pour un changement de monde de scrutin.
___Élection des parlementaires français avec une "dose de proportionnelle" ?

mardi 18 juillet 2017.

Dans de nombreux pays de l’Union européenne, la démocratie représentative traverse une grave crise. Les élections pour lesquelles les taux d’abstention sont largement supérieurs à 50 % sont de plus en plus courantes. Les dernières élections européennes ont été à cet égard tout à fait emblématiques. En 2014, la moyenne de l’abstention dans l’Union européenne à 28 a été de 57,46%, avec de nombreux taux supérieurs à 70 % (Slovaquie 87 %).

La France qui jusqu’à présent semblait relativement épargnée, a vu passer le taux de participation aux dernières élections législatives sous la barre des 50 %.

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Depuis de très nombreuses années la faible représentativité des élus, due au mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours [mode 1], est accusée de dissuader les électeurs potentiels d’aller voter.

Dégoût du politique, rejet des politiques, peur de l’Europe, corruption, abstention, votes extrémistes... la démocratie représentative semble être en crise.

En France comme dans la plupart des pays, la démocratie est essentiellement représentative, même si certains mécanismes de démocratie directe, comme le référendum, permettent de classer notre régime parmi les démocraties semi-directes. [ Il faut noter que le référendum est de moins en moins pratiqué, car il est tenu en suspicion par beaucoup .]

Par le mécanisme de la représentation politique, les actes accomplis par les représentants politiques du peuple lui sont attribués comme s’il les avait adoptés lui-même. En obéissant aux règles adoptées par nos représentants, nous sommes supposés n’obéir qu’à nous-mêmes.

Or le problème est justement que les Français ne semblent plus se sentir véritablement représentés par les hommes politiques. Leur dédain semble si profond qu’ils ne font bien souvent même plus l’effort d’aller voter, même quand l’éventail politique dans lequel ils peuvent choisir a été considérablement élargi. (lire la suite de l’article Une crise de la représentation politique ? par Marie-Anne COHENDET publié en 2004 en cliquant ici)

Toute modification du mode de scrutin susceptible de remobiliser les citoyens doit donc être étudiée avec une très grande attention. En effet, si à la suite d’une modification du mode de scrutin les taux de participation restaient aussi faibles, voire continuaient à baisser, la démocratie représentative, qui est de fait la seule existante et viable dans les grandes nations, serait en grave danger.

Élection du Parlement avec une "dose de proportionnelle" ?

Lundi 3 juillet 2017, dans le cadre fastueux du château de Versailles, devant les députés et les sénateurs réunis en congrès, le président Emmanuel MACRON a fixé les « priorités » de son quinquennat à la veille de la déclaration de politique générale de son Premier ministre, Édouard PHILIPPE.

Il a notamment réaffirmé le souhait qu’il avait que l’élection des parlementaires se fasse "avec une dose de proportionnelle", afin que "toutes les sensibilités y soient justement représentées", et que le nombre des élus soit réduit d’un tiers.

Selon un sondage BVA commandé par l’Obs publié le 15 juin 2017, avant le deuxième tour des élections législatives, 71 % des Français étaient favorables à un scrutin proportionnel.

En raison de l’énorme majorité dont il dispose à L’Assemblée nationale, et en raison du très large consensus que reçoit sa proposition, le président devrait pouvoir faire facilement adopter le changement de mode électoral qu’il désire.

Si le principe de l’instillation d’une dose de proportionnelle semble acquis, les modalités de sa mise en œuvre sont loin de faire l’unanimité.

Dès le 4 juillet, dans une interview publiée dans Le Figaro, le professeur de droit constitutionnel à l’université d’Aix-Marseille, Didier MAUS, a tenu à souligner les difficultés auxquelles le président nouvellement élu devrait faire face (voir l’interview ci-dessous).

Parmi les questions soulevées, certaines méritent une attention toute particulière.

Pour introduire une dose de proportionnelle :

1° Est-on obligé de faire voter deux fois les électeurs, une fois pour élire les élus désignés au scrutin majoritaire traditionnel, et une deuxième fois pour élire les élus désignés au scrutin proportionnel ?

2° Est-on obligé d’admettre que tous les élus ne seront pas élus de la même façon, par un nombre d’électeurs différents, dans des circonscriptions de nature et de taille différentes ?

Avec la proposition que nous présentons ci-dessous, nous pensons répondre à ces deux questions par l’affirmative.

Pour faciliter la compréhension de notre suggestion, nous utilisons des nombres arrondis.

Bientôt, pour 70 000 000 d’habitants, la France comptera 50 000 000 d’électeurs inscrits.

Si l’on réduit le nombre de députés de 577 à 500, et si l’on instille une dose de proportionnelle de 20 %, il faut prévoir que les élections se déroulent dans 400 circonscriptions, dans lesquelles une moyenne de 125 000 électeurs seront appelés à désigner leurs représentants. Si l’on veut que tous les départements aient au moins un élu, il faut admettre quelques rares exceptions, notamment pour la Lozère où un élu ne sera choisi que par 60 000 électeurs inscrits.

Pour les 400 parlementaires désignés par le scrutin uninominal à 2 tours aucun changement par rapport au mode d’élection actuel en France. Et pour les 100 parlementaires qu’il faut désigner à la proportionnelle, il est nul besoin de prévoir un scrutin particulier. En effet, grâce aux résultats collectés au premier tour, on connaît la représentativité nationale de chacune des formations politiques ayant mis en lice des candidats dans un nombre important de circonscriptions (plus de 50 ?). Et grâce aux résultats du second tour, on peut classer tous les candidats battus en fonction du nombre de voix qu’ils ont obtenu.

Comme il est prévu actuellement, tous les candidats peuvent se présenter, soit en candidat libre, espérant obtenir la majorité absolue ou relative (au deuxième tour) des suffrages exprimés, soit en candidat rattaché à un groupe politique particulier.

Les candidats libres n’ayant pas réussi à se faire élire au premier tour, ou au deuxième tour, sont définitivement éliminés. En revanche, les candidats rattachés à un groupe partisan peuvent espérer se voir déclarés élus, sous réserve que leur groupe politique ait obtenu un pourcentage important de suffrages, et que parmi les candidats non-élus, apparentés à leur groupe, ils aient réuni le nombre de voix nécessaire à leur qualification.

De la sorte, pour espérer être élus, qu’ils appartiennent à la direction de leur formation politique ou non, tous les candidats prétendant à l’élection, doivent réunir sur leur nom, comme tous les postulants, le meilleur nombre absolu de suffrages.

Grâce à cette proposition, les dirigeants des groupes politiques les plus importants, qui ne sont souvent battus que de quelques voix, auraient les meilleures chances d’être élus dans la part proportionnelle du scrutin.

Avec cette proposition, à l’exception notable de celui de la Lozère, peu de candidats battus, réunirons sur leur nom plus de voix que les députés les plus mal élus.

À partir des résultats des élections législatives de 2017 nous avons calculé le nombre d’élus correspondant à un scrutin totalement proportionnel [mode 2] et celui correspondant à notre proposition [mode 3]. (Voir le détail des calculs à la fin de cet article).

Les calculs, dont nous présentons la synthèse ci-dessus, correspondent à l’hypothèse où les électeurs font le même choix partisan avec le nouveau mode de scrutin qu’avec l’ancien.

Dans cette hypothèse on voit que les rapports de forces parlementaires des formations politiques qui structurent la vie politique française depuis plusieurs dizaines d’années ne sont absolument pas bouleversés.

En obtenant la quasi certitude de pouvoir former un groupe parlementaire, malgré l’obstacle du front républicain, le Front national apparaît comme le seul grand bénéficiaire du changement de mode de scrutin.

Bien évidemment, comme le pensent et l’espèrent les promoteurs du projet, le changement du mode de scrutin ne manquerait pas de modifier le comportement des électeurs. Il est probable, que sachant que le nombre d’élus à la proportionnelle est liée aux nombre de voix obtenu au premier tour par les différents groupes politiques, et que la sélection des élus bénéficiant de la représentation proportionnelle est liée au nombre de voix obtenu au second tour, les électeurs les plus enclin à s’abstenir dans le système ancien retrouveraient le chemin des urnes pour les élections législatives, au premier et au deuxième tour .

Sur le tableau comparatif ci-dessus on voit qu’entre le premier tour des élections législatives et le premier tour de l’élection présidentielle le nombre de suffrages exprimés a considérablement diminué (13 millions, soit 37 % d’électeurs en moins).

Ce qu’on ne mesure pas immédiatement, c’est que cette diminution a affecté très inégalement les différents groupes politiques.

84 % des électeurs qui ont voté pour Nicolas DUPONT-AIGNAN refusent d’apporter leurs suffrages aux candidats de Debout la France.

61 % des électeurs qui ont voté pour Marine LE PEN au premier tour de l’élection présidentielle ne votent pas pour les candidats du Front National.

La somme des voix qui se portent sur les candidats du Parti communiste et ceux de la France insoumise est de 56 % inférieure au nombre de voix recueilli par Jean-Luc MÉLENCHON.

La somme des voix recueillie par les partis qui avaient appelé à voter pour François FILLON est inférieure de 32 % au nombre de voix recueilli par le vainqueur des primaires de la droite et du centre.

La somme des voix recueillie au premier tour des élections législatives par les deux partis du futur président, La République en Marche et Le Modem, est lui-même inférieure de 15 % au nombre de voix recueilli par Emmanuel MACRON au premier tour des élections présidentielles.

La contre-performance électorale, au premier tour de l’élection présidentielle, de Benoît HAMON, 2 291 288 de voix (6,36 % des suffrages exprimés), a détourné l’attention des observateurs politiques sur les bons résultats relatifs obtenus au premier tour des élections législatives par les candidats représentant les partis ayant participé aux primaires citoyennes de la « gauche » et des « écologistes ».

En effet, les candidats revendiquant leur appartenance au parti socialiste (7,44 %), au parti radical de gauche (0,47 %), au parti écologiste (4,30 %), ou divers gauche (1,60 %), c’est-à-dire les candidats (frondeurs compris) assumant tout ou partie du bilan de la majorité sortante, ont recueilli tous ensemble 3 127 796 (13,81 % des suffrages exprimés).

C’est ainsi le seul groupe politique pour lequel la somme des voix recueillie au premier tour des élections législatives est supérieur (37 %) au nombre de voix recueilli par son candidat au premier tour des élections présidentielles (Benoît HAMON).

Avec le mode électoral qui prévaut sous la Cinquième République, après l’annonce des résultats du second tour des élections présidentielles, il était évident pour tous les observateurs politiques chevronnés que le président nouvellement élu arriverait à faire élire à l’Assemblée nationale un groupe majoritaire bienveillant à son égard.

Mais en raison des résultats du premier tour, le mouvement La République en Marche n’avait pas vocation à devenir majoritaire à lui tout seul. Comment peut-on expliquer le raz de marée de candidats favorables au président MACRON ?

Pour les législatives, comme pour les présidentielles, Emmanuel MACRON a bénéficié d’une extraordinaire accumulation de facteurs chance. La mauvaise fortune qui a accablé tous ses concurrents potentiels pour la campagne électorale présidentielle a indéniablement fini de démobiliser, pour les législatives, les électeurs opposants les moins motivés.

La victoire des candidats de la majorité présidentielle ne s’est pas inscrite dans un vote massif en leur faveur au premier tour (32,33 % des suffrages exprimé, avec 15 % de voix en moins entre le premier tour des présidentielles et le premier tour des législatives), mais dans une énorme abstention des électeurs qui auraient dû, en toute logique politique, chercher à leur faire barrage en allant voter contre eux.

Il faut noter que, dans le système majoritaire uninominal à deux tours actuel, les groupes politiques qui ont le mieux résisté (ou le moins mal) à la défection de leurs électeurs, sont ceux qui bénéficiaient encore des plus anciennes et des plus larges implantations en termes d’élus et de militants.

Le mode de scrutin actuel, conçu pour favoriser l’émergence d’un bloc majoritaire a atteint ses limites. En permettant à un groupe politique d’avoir 60 % des élus de l’Assemblée nationale, alors qu’il ne représente que 33 % des suffrages exprimés et 15 % des inscrits, il arrive à décourager les meilleures volontés démocratiques.

Pour que la démocratie représentative recouvre une forte légitimité il est indispensable qu’elle garantisse à tous les groupes politiques ayant fait la preuve de leur importance un nombre minimum d’élus.

Dans le tableau comparatif des modes de scrutin que nous avons établi pour une assemblée de 500 députés (mode actuel [mode 1], mode proportionnel intégral [mode 2] et mode avec une dose de 20 % de représentation proportionnelle [mode 3]) on voit que, dans le cas où les électeurs font le même choix partisan avec le nouveau mode de scrutin qu’avec l’ancien, la représentation nationale n’est pas sensiblement modifiée.

Dès lors, faut-il envisager d’augmenter le pourcentage de la représentation proportionnelle ?

Probablement non, car si on l’augmente trop on prend le risque de perdre les avantages de l’ancien mode de scrutin (stabilité parlementaire), sans avoir les avantages de la représentativité incontestable de la proportionnelle intégrale.

Il paraît préférable d’expérimenter une première modification du mode de scrutin limitant la dose de proportionnelle à 20 %. En effet, les conditions électorales 2017, ont été si exceptionnelles qu’il est probable qu’elles ne se renouvelleront pas de si tôt. Dans des conditions électorales plus habituelles, l’instillation d’une dose de proportionnelle, même réduite à 20 %, aurait certainement suffit à modifier notablement la composition de l’hémicycle.

D’autre part, et enfin, la modification du mode de scrutin ne manquera ni de modifier la stratégie des partis politiques, ni de faire évoluer les comportements des électeurs.

Nul ne peut aujourd’hui présager de ces changements, par conséquent il est judicieux de s’engager dans la voie de la représentation proportionnelle avec prudence et raison.

+++

INTERVIEW- Pour le professeur de droit constitutionnel à l’université d’Aix-Marseille, il faudrait plutôt réviser la loi organique sur le nombre des parlementaires.

LE FIGARO. - Baisse du nombre de parlementaires et élection d’une partie des députés à la proportionnelle : comment mettre en œuvre ces mesures ?

Didier MAUS. - Il n’y a pas besoin de réviser la Constitution. Les effectifs plafonds de députés et de sénateurs ont été fixés dans la Constitution. Comme ce sont des plafonds, on peut être en dessous. En revanche, il faut réviser la loi organique sur le nombre des parlementaires et ensuite redécouper les circonscriptions, une opération compliquée mais faisable : il faut quelques mois. L’introduction de la proportionnelle, elle, nécessite un changement du régime électoral, qui relève de la loi ordinaire.

Pourquoi cette réforme n’a-t-elle pas été adoptée avant si elle ne nécessite qu’une simple modification de la loi ?

Ce n’est pas difficile sur le plan purement technique. Mais c’est très difficile sur le plan politique, parce que tout changement de loi électorale a des conséquences sur les comportements politiques des électeurs et sur les stratégies des partis. Les grandes formations politiques, celles qui ont vocation à être majoritaires, ont intérêt au maintien d’un scrutin majoritaire. Ensuite, il peut y avoir d’autres difficultés : est-ce qu’il est normal que tous les députés ne soient pas élus de la même manière - certains au scrutin majoritaire à partir d’un petit territoire, d’autres à la proportionnelle sur un plus grand territoire ? C’est un débat qui va exister.

Comment se traduit dans le bureau de vote le scrutin majoritaire avec une dose de proportionnelle ?

Je pense qu’en France, si l’on introduit une modification, il faudra que chaque électeur ait deux voix (une pour voter au scrutin majoritaire, l’autre au scrutin proportionnelle, NDLR). Le seul exemple que l’on ait de ce type de scrutin mixte, c’est le scrutin allemand, mais qui est très différent. On peut imaginer beaucoup d’autres solutions.

Si les parlementaires n’adoptent pas la nouvelle loi électorale, le recours au référendum menacerait-il la réforme ?

Un référendum est toujours hasardeux en lui-même. Est-ce que l’état de l’opinion en faveur de M. Macron lui sera toujours aussi favorable à ce moment-là ? C’est toujours difficile à dire.

Le Conseil constitutionnel peut-il retoquer l’une de ces mesures ?

Il n’y a aucune raison que la loi sur la réduction du nombre de parlementaires ne pose un problème constitutionnel, car l’on fixe simplement un chiffre. Ce qui est compliqué, c’est la loi sur les élections. Là, il y a des principes à respecter. Il y a toujours un risque, mais il appartiendra au gouvernement de le minimiser, et le Parlement y sera évidemment attentif.

Élection présidentielle 2017

[COMMENTAIRES]

[Le 4 août (abolition des privilèges) : Paul C]

Il aurait fallu refaire la simulation pour 400 députés, le nombre envisagé par Emmanuel MACRON.



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